Carcasses désaffectées - note 352John Bastard-A-K me contacta vers cinq heures du matin, il dit : je peux passer ? je dis oui, il se cogna à ma porte d'entrée quelques instants plus tard, me présentant cinglé son front tuméfié, de gauche à droite sa tête comme un poulain dévitalisé, et alors, d'une façon époustouflante un flot jaillit de ses lèvres, il ne s'interrompait plus, je restais vissé au plancher :
« J'ai vu un article sur le galeriste, Perrotin, le mec de la rue Louise Weiss et de la rue de Turenne. 700m2 là-bas... et la photo d'un artiste, qui fait des trucs gentils, genre conceptuels, maquettes, "créateur de mobiles" (structures avec du fil plastique – support, trame – des noeuds et des perles)... moi je réfléchis : créateur de mobiles, si c'est pas de la supercherie... enfin tu marches dans la galerie, je l'ai vu son boulot, tu te prends sa supercherie dans la gueule, c'est presque transparent alors tu vois pas grand chose, c'est un peu moche... donc j'essaie encore de réfléchir, et je me demande si c'est sérieux ou si c'est encore du discours, s'il se fout pas un peu de ma gueule pour que j'émette des théories, s'il se rebondit dessus, ou si, bon, des Ah et Oh simplement ébahis devant certes une certaine complexité au sein de la conception-même du mobile indéniable font la postérité de cet "artiste" propulsé par le GRAND GALERISTE PERROTIN. Je te prends, je te fais, ou je te pousse. Je voudrais pas mal penser. Mais bon. Y'a souvent des blablas. Et là-bas, toujours cet espèce de menton levé, haut jugement, critique, savoir résolu... oui, savoir résolu, c'est tout à fait ça... on, l'art, c'est rien que du plan, en fait, comme les dessins techniques, des explications (le support est créé par l'auteur afin qu'il puisse faire de son explication le vecteur médiatique qui enflera ses initiales. et puis les gens écoutent et disent Oh, il faut aller voir). Pub crousti chaud les fils de fromage qui fument. Comment dicter la curiosité, c'est atroce. Comment suggérer ce qui est bon ou pas. Comment abrutir. vendre.... je suis dans une impasse avec cette société. MERDE. C'est lourd. J'ai mal au dos. J'ai pas le droit d'avoir mal au dos. J'ai de la chance, pas le choix et pas le droit, pour la liberté. La contrainte ouvre la liberté. Tu crois ? Tu crois que c'est faisable, notre élan vers tout ça ? TU PEUX ME DIRE POURQUOI JE ME POSE ENCORE DES QUESTIONS ?... t'es vivant, hein, t'es vivant ?
Alors je ne répondis rien, c'était délicat cette question, je m'étais évincé de cette course-poursuite depuis un an, j'avais tout viré, démoniaque, les yeux de travers. Quelques larmes montèrent, vivant je ne sais pas bien, ça s'est évanoui avec le temps, je passe mes soirées la tête plongée dans l'évier à contempler le siphon, à barboter comme une langouste îvre morte, à humer le plafond, à être fou, à être fou mon ami, j'ai eu beau prendre dans mes bras, aucun corps ne m'attache plus, tout s'est évanoui, des citadelles d'as de cœurs que j'avais empilées consciencieusement, j'avais appliqué ma leçon et puis un souffle d'humain les a emportées, non je ne suis pas franchement vivant, pas franchement mort, je suis là pilier d'angoisse planté dans les carrefours la nuit à contempler les phares et les traînées gauches, à guetter les hommes dans le métro et ces quelques figures, ces gestes imperceptibles, à décortiquer ces surfaces, à essayer de comprendre, je fais des allers et retours dans le métro, dix d'affilée parfois, Pont de Sèvres-Mairie de Montreuil, et puis Mairie de Montreuil-Pont de Sèvres, et puis Pont de Sèvres-Mairie de Montreuil, et encore Mairie de Montreuil-Pont de Sèvres, jusqu'à ce que le roulis me gagne et que je balance comme un train déraillé et que je sois hors-circuit et que je sois devenu une valeur périmée et non ajoutée, que je sois devenu la foule, que je sois devenu un peu rien, en paix et en silence, un clandestin, sans adresse sauf un strapontin.
Alors je répondis rien.
— Putain, ça va durer encore combien de temps la vie ? qu'il me dit.
Et juste après, il se cogna six ou sept fois la tête contre le mur puis il se jeta du balcon.
J'habitais au rez-de-chaussée, il me gueula dessus.
ci-dessous 3 représentations formelles du principe de réalité [extraits] mises en oeuvre dans le cadre du séminaire de "fragmentation déraillée & déschématisation sociale"1.
tout le monde lit le source au même moment
tu foires une balise
et
alors tu précipites
le chaos
2.
ma tête en tombe dans le plasma
là il se relativise
"
tu vas prendre cher" il me dit
on parle de pâte
de mer
les golfes clairs
etc
tout ce ramassis d'excitations
c'est vrai c'est toujours mieux que "sans-oeuvres"
[
she said]
je ferme les yeux
l'air extérieur me caresse
à chaque fois je suis ailleurs
je-
peut-on se redéfinir ou alors créer une autre extension
de soi
le papier parle de filamentation lui
je trouve ça joli
comme cette mer de peignes
me surprend à espérer des rivages
toutefois j'ai un nom
j'en parlerai le moment venu
pardon : je lui laisserai la parole
3.
augmentation soudaine du nombre de variables
propension à osciller sur des impulsions caféines
j'alimente cette reprise ridicule
postulant que le freinage convulsif de l'être devient vite conséquent
dans l'environnement néant
je ne garantis plus rien après
à terme
à ce soir
l'entrée est à droite
après le rideau
les périphériques de ta tornade, les heures centrifuges dans l'assèchement progressif des synapses. tes yeux dans mon cadavre, la petite douleur, même. matin midi (rien à foutre), je ravale mon apnée, bois la tasse, les tympans plein les poumons,
rather ripped. la timidité des nuages, sous : les mots sous les ongles comme terre qu'on gratte, pathétique ponte plus loin, les mains dans la fosse à orgueils, glorioles, pets d'egos. là aussi, le jaune diurne blafarde malaise les mêmes façades, les grise, dans l'attente tangente : des réverbères, l'éclat orange ou l'ardeur livide des cristaux - la moitié de ton visage en miroir. l'autre moitié dans la pénombre du désir.