Le chien de ta mére, le chien de ta sœur, le chien de ta gazinière, coupe les aérations je t'asphyxierai, nous deux tranquilles démesurés simulacres pré-individuels, le chien de mon oncle, le chien de tes aboiements, le chien de tes leurres, le chien de tes rires, attendre la queue basse, le chien de l'amer, le chien du labeur, le chien de tes poussières, le chien de mon nom, le chien de tes affolements, le chien de ta peur, le chien de tes prisons, le chien de tes cris, le chien de ton cul, le chien comme un mur, le chien comme un front rentré aux vitres, un enfant rentré vite comme un Nom, à batardiser l'impossible : finir en devenir, ligne droite illimitée, alors le corps devient le monde, passion et fonder la liberté, le chien d'une fenêtre, le chien d'un vide et d'un ciel, d'un cruel, le chien de ta langue, gangue fange, le cri de ma guerre, le chien de ta merde, le chien de ta sueur, le chien mortifère, le chien de tes stups, le chien de tes chatoiements, à rire, l'ouïe, l'insensée, le soleil fruit pourri chaque matin dans tes yeux, moi : à vouloir l'arracher et faire un peu de lumière, le chien de tes souvenirs « ma chérie », le chien de nos connivences, le chien de mes turbulences, agonisons, bâtissons des rivières s'endort le chien, le chien de mon chien, le chien de mon chien, le chien de mon chien, et que reste-t-il à la fin, le chien de mon chien, le chien de ton cul, le chien d'une baise, le chien d'une bouteille, le chien d'un désert, une gueule dont on s'abreuve, déversoir impuissant de lunes détruites et d'aurores persistantes, à cracher du pareil, ou du neuf, du pré-existant. Le chien de ma demeure de ma chienne de mes persiennes, le chien de mon usurpation, de ma trahison, le chien à la truffe branlante et la queue pendante, le chien à la gueule qui boit des trépas des sniff-ah des / ferme ta gueule. Ferme ta gueule. Rentrer la queue basse, feuler la Bleue crasse, miauler ta gueule strass, shit, SHIT.
Battre l'exprimé mon chien, tu me diras.
derrière les globes bourdonne un peu
la réverbération nocive de mes réflexes
pourtant l'impulsion propagée
sous une chaos-porteuse se
perpétue suave
n'est-ce d'ailleurs plus qu'un signal
un algorithme démodulé dans le bourbier libraire
(injectez-moi)avant que létale ne s'estompe
la voix qu'interlace le vide
dans cette urgence péremptoire
Ce serait gacher du temps que de s'inscrire, bredouiller, répéter l'effort une nouvelle fois, bredouiller une trace nulle, alors recommencer, ne laisser qu'une maigre trace dans la pierre, donc recommencer encore une fois, cette fois avec les pieds, laisser une empreinte humide qui s'évapore dans le désert brûlant, alors recommencer une nouvelle fois cette fois une fleur pousse dans le sable, s'inscrire une nouvelle fois la fleur pousse un peu plus, s'inscrire mais cette fois-ci se rater : on tombe sur la fleur ; écrasée. Alors recommencer de plus belle à nouveau, bredouiller à quatre pattes plongé dans le sol bouillant, n'y laisser que des traces de doigts, de peau, n'y laisser que des empreintes humides qui s'évaporent dans l'instant, alors recommencer encore se relever péniblement laisser un pas en enfer que le vent essuie, alors recommencer encore essayer toujours et encore l'incessant effort renouvelé de l'inscription une fleur se met à pousser dans le désert, s'inscrire encore des épines et des feuilles, des pétales éclosent. S'inscrire encore une deuxième pousse plus robuste et plus haute que la première, s'inscrire encore la deuxième fleur se met soudain à manger la première, puis la chute d'un corps tue la deuxième, alors se relever péniblement, s'inscrire encore dans les hôpitaux les commissariats les prisons les actes de naissance les identités les pénitenciers, s'inscrire encore un mince trait au stylo s'inscrire encore un deuxième maigre trait de stylo s'inscrire encore et soudain une main chiffonne le papier une boûche le mâche alors décider de s'inscrire encore et de continuer envers et contre tout s'inscrire encore décider cette fois de creuser la terre d'y faire pousser un chemin, s'inscrire encore poursuivre le chemin les ongles en sang noircis maculés de terre, à creuser forcenés, s'inscrire encore les ongles grattent les pieds avancent, s'inscrire encore avancer de dix mètres dans le désert brûlant on abandonne l'idée des fleurs on préfère le déplacement et la fuite en avant s'inscrire encore mais cette fois-ci dans une fuite en avant s'inscrire encore puis les jambes et le cœur lâchent, alors s'asseoir s'inscrire encore en laissant dans le sol la forme du corps qui finit en poussières puis ne plus s'inscrire, refuser maintenant de s'inscrire où que ce soit car ce serait gâcher du temps.
Les nuages ont des couleurs La convergence de nos penchants Non avoués Dans leur tendre Epure je t'avais pas dit, l'autre nuit, les crabes aussi étaient là, juste sous la fenêtre. le ciel s'en diluait, depuis la moire de leurs coquilles, marécages. j'écrasai, un, puis tous
d'un commun
arpège,
alors
leurs biles d'entre
les fissures les vantaux viscères vertes
à même la moquette qu'on avait suintée
leurs pinces petits bras roses échafauds
puis
les toits à pluie, gouttières du jaune - et les monstres nocturnes vers,
dérivèrent
je voulais plus savoir,
au réveil Je t'ai tordu la langue, je l'ai mise en écharpe, ta langue de carpe, bastringue d'échardes. J'me suis mordu le manque j'ai saigné de la planque sur ta manche grise chape, bateau rouge sur une mer sans une main sans un vent. Je t'ai foutu en rogne de ma pomme noircie à l'écume diamant d'une colère sans une dent, je t'ai rongé les pognes, tes cadavres blanchis de l'averse et du temps, je me gante le visage mets en banque mon naufrage vis des rentes de ma rage. Je t'ai mordu l'hiver, tailladé comme une pierre, je t'ai livré sous fers à l'ivrogne qui me ronge, j'ai mangé le frein de tes pentes lassantes, dérivantes, lignes fixes petits points écarlates au fin fond souterrains. Sous ta peau la grisaille, la ripaille, la canaille qu'on ramasse poisseuse hébétée et pluvieuse, qui claudique de l'oeil quand elle rame à l'air libre. Sa face cramoisie de dandy asphyxié, d'iris cramé aux rayons boursouflés, phare mélasse, embonpoint de tes crasses, qui tournille limace sous le soleil de juin. Je t'ai creusé la peau, pacotille de paille, frigo de papier aux mots comme des fruits oubliés en été dans un songe givré. Lactescents ombragés limés jusqu'à l'os tes espoirs de lait qui pourrissent périmés. je t'ai pris par la manche, je t'ai traîné par les cheveux, je t'ai souillé du pavé, et des larmes qui rient, de Paris en janvier, de la vie de la pluie, je t'ai noyé dans des flaques, collé comme une claque aux joues bleues des passants, rayé les murs de ton oeil tournoyant, j'ai griffé la ville de ton corps charnier, à te dire te hurler : sens comme ça vit, cette chair émaciée, qui vivait en aveugle, sans jamais se cogner. Ton poids lourd en eau trouble, ta valise en carton, ton sac de morpions, je le traînais de mes mains comme un pauvre refrain, à fuir le sel que ton haleine de chienne semait en ruisseaux de plomb, en caillots de pierre qui roulaient sur les ponts, à fuir ta fièvre qui criait à la Seine, à une planche turquoise dans les flancs de la poisse, aux néons violets, au poison violent d'une fièvre tenace, tu disais boire la tasse ! boire la Seine ! à ma santé ! tu disais, boire la saignée de ta contreplongée, retourner tout au fond tu disais, retourner tout au fond, dans les morts leur décor leurs sales corps de tas d'or de torts de rats morts.
J'ai continué le trajet, contourné des bouteilles, des fantômes de bières, des filles en fluo, des bonhommes de verre leur jambes en averse la cataracte du ciel sur plomb chaud de l'espace la trouille glacée des pupilles à poubelles, les mains tordues des humains sans nouvelles, toujours ta tête en fruit dans ma main, melon d'eau glace rouge, fraise folle patte molle, ton corps lambeau paquet de grelots, ton nez rapiécé en chaise dans le ciel, à te laisser guider de mes mots manivelles. J'ai cherché où aller, toujours loin de ta Seine, sale bouillie de sorcière de poissons aux yeux vairs, pollution en bouchon, j'ai pris tes lèvres t'ai fait boire la pluie. À chercher, mats crâmés désaxés, des yeux jaunes à minuit, nos fronts de pigeons noctambules se froissaient la tuile sous des risées de lune, t'endormant dans mes bras sur un froc défoncé, je commandais pintes cacahuètes et rincées, nos chemises mal lavées en quinconce dans un horizon détroussé, au fond d'un bar un type en cloque du malheur, la chaleur d'une ivresse de tueur.
Monsieur Pirliput tape un texte. Il tape des textes toutes les joues, pour l'instant, puis pour lui. Monsieur Pirliput n'a pas d'espérance. Il est content. Dans sa cuisine à carreaux défaillants il n'écrit même pas pour son chat, l'odeur de la cafetière l'étripe. Monsieur Pirliput ne pense pas. De temps en temps il fébrile Eddie Bo.
Soudain un jour on écrit à monsieur Pirliput :
« Cher monsieur Pirliput, j'ai lu quelques-uns de vos derniers textes – il me semble que c'est de la prose poétique d'après ce que j'ai pu en juger mais arrêtez-moi que je me rompe, je ne demande qu'à en avoir de plus amples explications – j'ai donc retenu particulièrement l'un d'eux qui me semble pouvoir me faire vous dire que je vous encourage
personnellement à continuer.
Bien à vous,
Sic. »
Monsieur Pirliput la jeta, pensant que c'était une lettre de la langue, il eut juste le temps d'entrevoir l'italique plaqué sur le personnellement.
Monsieur Pirliput continua. Ça jaillissait de sa tempe et ça venait se collusionner en bulldozers sur le parquet. Un vieux bloc de papier blanc fait pour les lessives du temps où Simone faisait des messes de motivation. Il commençait des histoires. Il ne se retournait jamais dessus, ne se relisait pas, aucune coalition personnelle, rien, il vivait juste, ou pas assez, ou peut-être trop mais cachets.
Un matin, il reçut une deuxième lettre.
« Cher monsieur Pirliput,
Je crois bon de noter que vous avez fait une inversion considérable dans l'avant-dernière phrase de votre trente-huitième texte, qui me fait penser à un distique épouvantable. Ne m'en voulez pas, je dis juste ça pour vous aider, sur ce long chemin douloureux qu'est l'écriture. C'est pour que vous vous amélioriez. Je vous encourage personnellement à continuer, comme je vous l'ai déjà dit. Je vous ai tout de suite remarqué, vous valez quelque-chose, bien que ce ne soit pas abouti, comme vous pouvez vous en douter vous avez encore des progrès à faire. »
Monsieur Pirliput eut soudain un bref hoquet, il oublia tout à fait la lettre, la posa dans un coin, préoccupé de son hoquet, se demandant bien comment il allait le juger.
N'observant qu'une souffrance du bout des doigts la sornette en expulsion comme si demain n'était, contemplant la douleur comme un jet de pellicule, à le contorsionner divinement.
Né collé, à l'asphalte, les papiers îvres, la lunette peinte, les lèvres carriées, les dents violettes ; né collé monsieur Pirliput s'en va maintenant dans les magasins un long chemin qu'il déteste à frôler les ménagères et les couples toute la brûme de ce qu'il a senti se dissiper un jour dans sa vie, les perles d'agathe de sa femme qu'elle lui collait entre les mocassins, le souffle diamanté de son âme tellement elle voulait ne rien ne pas casser les murs de la maison le bonheur tel qu'il les entourait. Les couples maintenant, qui font comme si rien n'existait, comme si tout se rachetait, le bonheur du lendemain accessible en tours de passe-passe l'horizon comme un poulpe. Des paquets d'Haribos et de Malabars dans les mains des enfants abrutis. Monsieur Pirliput pense à Matthieu. Matthieu Pirliput de son vrai nom, né collé. Trop collé à sa mère, il l'avait bien dit. On n'avait pas voulu le croire, on avait offert toujours plus de colle et l'enfant s'était détraqué désaxé aux seins de Simone la glue entre les dents son tarot pestilentiel de jeu de mots en braille dans les yeux collée sa soif. Monsieur Pirliput merde avait raté un pilier dans sa vie, il était sorti en braille du ventre obèse, en cloque de tout ce qui était prédit, depuis la nuit des temps, cramé, dandy encaustiqué, l'enfant du siècle, son enfant. À avoir mal aux dents de la vie. Impuissant, il fit des rames.
« Cher monsieur Pirliput… »
Cette fois, monsieur Pirliput se concentre et tente de faire aboutir les occlusions de l'inconnu dans son organisme. Il les dote de son humanité.
« Cher monsieur Pirliput,
J'ai cru bon noter que vous vous orientiez vers la dérive poétique – et c'est à mon avis ce qui semble constituer votre œuvre depuis son début d'après mes analyses – mais me permettez-vous de vous conseiller de vous orienter vers un chemin plus décent mêlant des perles de mots comme des abîmes (sic) je vous enjoins de vous parer de syphilis (sic) en ces beaux jours et de creuser cet essai philosophique (sic) (sic) écrit le douze, de persévérer dans cette voie. Moi je vous ai remarqué et ce n'est pas rien (sic), sachez-le, j'ai un caractère remarquablement divin (sic) (sic) (sic) pour deviner ce genre de choses. Le don chez les autres. Car j'en ai moi-même un.
Bien à vous,
Sic. »
Monsieur Pirliput en 70 avait trente ans et c'était la première fois qu'il fumait un joint. Et il avait oublié après. La fêlure, le rire soudain, les yeux recroquevillés dans le cimetière blanc des filles s'appelaient Sophie à l'époque. Il avait fini postier dans une merde cinq ans après, il fallait mourrir Simone et Matthieu. Ce soir-là il oublia tout à fait la lettre, il pensa juste, soudain et très fort, à un joint. Ça lui revenait maintenant. Un joint. Il partit aux Halles, et acheta un joint tout fort à un pauvre type. Il le fuma longuement en regardant sa maison de Courbevoie. Le salon était petit, mais il y avait une fontaine qu'ils avaient faite construire par une japonaise d'intérieur à bas prix. La décoratrice avait des grands gestes violents pleins de karaté et de désarroi avant de désigner le mur comme seul ultime effroyable coupable. Puis elle avait creusé les doigts, muscles. Très ferme, elle avait indiqué un autre mur, bouleversant leurs futurs furoncles. Simone s'appelait Simone et c'était pas facile à porter, sauf pour Matthieu qui s'appelait Matthieu et avait béni sa mère depuis le premier regard sachant que son nom faisait partie de sa peau et qu'à sa peau il pardonnerait toute sa vie entière même pour un poisson.
Elle s'infiltra en morse dans son frigidaire. Simone ? elle s'infiltra dans le frigidaire avec ses mots comme quoi il mangeait pas assez bien, avec sa polyarthrite rhumatoïde et sa future probable mort. Il la sentait à chaque recoin de camembert et surtout dans la vinasse mal nettoyée du compartiment légumes. Il tira sur le joint, à déambuler dans les pièces et la chambre de Matthieu qu'il n'avait plus vu depuis l'hôpital. Matthieu avait disparu depuis ses vingt ans, majeur, on ne pouvait rien pour lui chez la police. Majeur, il a juste quitté le nid, qu'ils ont dit très suspicieux, comme s'il venait de battre Matthieu dans l'après-midi. Mais il l'avait pas battu, il avait juste rien fait de sa vie. C'est ce qu'il se disait maintenant. Qu'était devenu Majeur.
Majeur était peut-être devenu une Sale Merde. Peut-être que Majeur n'avait pas supporté l'affront de la solitude en hôpital et Simone qui ne pouvait rien faire. Fallait la voir se mourir de tiédeur au crépuscule d'avril, pleurant sa douleur et son hébétude d'être mère d'un frappé. Il osait à peine la toucher car il avait peur, elle se rompait en sourdine sur les bancs dans Paris l'été, ils contemplaient le périph circulaire abîmés. Une montagne d'os grelottait dans la carcasse de Simone, elle foutait des claques à ses dents des poules à sa chair elle relevait soudain le visage dans le crépuscule du printemps et elle disait sers-moi encore, ils avaient toujours été des gens simples, avec le temps ils étaient devenus simplement concassés.
Ils marchaient pantelants serrant le poing dans leurs poches et leur ombre pocharde qu'ils avaient foutue là, ramassée en bouillie près des clés des tickets. Ils actionnaient l'alarme du métro pour rien, ils traversaient quand c'était vert, ils s'allongeaient dans les déserts, ils entraient chez des inconnus, ils frappaient le carrelage de leurs poumons violets, ils s'abîmaient la nuque dans des bars de quartier, ils se flétrissaient l'absolu dans les parcs environnants, ils criaient dieu pour les voir pâlir, ils criaient suce-moi pour que dieu vienne pas, ils criaient un peu n'importe quoi ça faisait des claques ils saignaient partout des fois ils se tenaient par la main mais ça avait vite disparu ils criaient l'enfance et la gestapo et la disparition, ils s'enfournaient chez les autres et juxtaposaient leurs membres aux couteaux en léopard, ils marchaient ainsi continuellement comme des savons, Simone avait un bébé dans le ventre, ça les rendait présentables Simone avait le feu au cul, ça se détériorait dans leur vie cette glande qu'ils n'auraient jamais dû avoir, ça se détériorait cette douleur, mais quoi ? aurait peut-être dit Sale Merde, son fils – et que devenait Sale Merde qui les avait abandonnés ? – Peut-être aurait-il dit : ce n'est rien : un enfant est la plus cruelle des choses au monde, je vous ai épargné mon regard.
Monsieur Pirliput s'activait le poignet les heures s'étouffaient à califourchon sur sa transcendance.
Nous pouvons mentir se dit Pirliput. Nous pouvons mentir. Et mon fils actuellement ment. Mais où, et à qui.